Pendant de nombreuses années, le train a constitué le moyen de transport le plus commode pour relier Blaye et le Blayais tout entier aux départements limitrophes.
Ce même train qui a fait disparaître en quelques décennies les gabarres et les transports fluviaux de personnel, à l’exception du bac reliant les deux rives de la Gironde, a dû subir à son tour une concurrence féroce, celle de la route, de la voiture particulière et du camion.
Après avoir connu son heure de gloire, le train va donc succomber à son tour et disparaître totalement du paysage blayais.
Il nous a semblé utile de relater succinctement l’histoire du chemin de fer dans notre région, en la situant dans son contexte, autant pour raviver les souvenirs des plus anciens que pour faire découvrir à nos jeunes lecteurs une facette assez méconnue de notre patrimoine.
Ces lignes ont été rédigées à partir de plusieurs sources que nous tenons à citer : tout d’abord un historique de la ligne de chemin de fer de Blaye à St Mariens écrit il y a une quarantaine d’années par le docteur LAMORÉ, l’un de nos fidèles et plus anciens adhérents, et M. BESSON-IMBERT ; ensuite un supplément de la revue FERROVIA-MIDI, le n° 32, édité par l’Association Bordelaise des Amis des Chemins de fer (ABAC) et enfin une conférence sur les chemins de fer en Gironde, donnée en 1967 par M. ARRAMON-TUCOO, alors inspecteur divisionnaire et chef de circonscription S.N.C.F. Ces documents ont été complétés par différentes recherches sur internet. [1]
On peut définir le chemin de fer comme le moyen d’exécuter des transports terrestres de grandes masses, tant de voyageurs que de marchandises, avec une résistance à l’avancement minimum.
A cette caractéristique fondamentale (réduction de la résistance au roulement grâce à la roue en acier sur un rail du même métal et donc de l’effort de traction nécessaire) vient s’ajouter celle du "guidage" qui fait que l’on a plus à se soucier de la navigation.
Il n’est donc pas étonnant que le chemin de fer à traction mécanique soit né au milieu du 18ème siècle en Angleterre où les débuts de l’ère industrielle posaient de véritables problèmes de transport de masse. En fait, le rail en bois et le wagon étaient d’usage courant dans les mines d’outre-manche dès le 17ème siècle et même bien avant dans les mines d’Allemagne et d’Alsace…
Pour en améliorer la durée de vie, on eut l’idée de clouer sur le bois des rails des lames de fonte et c’est ainsi que, de perfectionnements en perfectionnements, le rail entièrement métallique, invention de l’anglais John CURR, apparaît en 1796. Les rails métalliques avaient alors les formes les plus variées et étaient constitués de différents métaux (plaque de fonte, ornières de fer, etc), cependant c’est en 1808 qu’est construit le premier rail en fer malléable dont la forme rappelle les rails à double champignon encore utilisés il y a quelques années.
Au 19ème siècle, les conditions sont enfin réunies pour la naissance du chemin de fer, véritable symbole de la première révolution industrielle moderne. Alors que CUGNOT a démontré la possibilité d’utiliser la pression à vapeur d’une chaudière pour faire avancer un véhicule terrestre (son "fardier" roule en 1771…) c’est le 13 février 1804, dans le pays de Galles, qu’apparait la véritable première locomotive à vapeur et le 15 septembre 1830 qu’est inaugurée la première ligne de chemin de fer pour passagers, entre Liverpool et Manchester, dans la Nord-Ouest de l’Angleterre. Tracté par la fameuse "fusée" de George STEPHENSON, le train assurant cette liaison roule à une vitesse moyenne de 19 km/h, ce qui est tout à fait extraordinaire pour l’époque.
A la même époque et bien que la révolution industrielle n’ait pas encore débutée chez nous, les grands esprits travaillent et suivent de près l’évolution des techniques de l’autre côté du Channel. Ainsi en est-il de Sadi CARNOT, brillant polytechnicien, qui pose dans son célèbre "Mémoire sur la puissance motrice du feu" les bases de la thermodynamique. La grande industrie métallurgique naissante est alors à même de procurer à un prix raisonnable des laminés de 5 mètres de longueur, condition sine qua none pour la construction de ligne de chemins de fer d’une longueur exploitable. Ainsi, c’est en ce début de 19ème siècle, une fois passés les soubresauts de la révolution puis ceux du premier empire, que la technique et l’industrie vont permettre à notre pays de donner naissance à cette extraordinaire aventure humaine qu’est le chemin de fer.
Dès 1821, une société où nous relevons le nom bien bordelais du marquis de LUR-SALUCE demande la concession d’un chemin de fer de Saint-Etienne jusqu’à la Loire d’Andrézieux (soit près de 21 km de ligne).
La voie d’eau, seule à cette époque, réalisait la possibilité d’un transport massif, aussi verra-t-on les premières voies ferrées se donner le rôle modeste d’affluent des cours d’eau… Ainsi, après l’ouverture de la ligne de Saint-Etienne à la Loire, ce sera au tour de celle de Saint-Etienne à Lyon (raccordement avec la batellerie du Rhône), puis, en 1833, d’Andrézieux à Roanne, point à partir duquel la Loire devient régulièrement navigable. La quatrième ligne de chemin de fer en France va relier le bassin minier d’Alès à Beaucaire sur le Rhône, en août 1840, et confirme bien ce besoin des débuts des chemins de fer en France : une origine minière et une destination fluviale.
En même temps que se construit la ligne Alès-Beaucaire, c’est au tour de la première ligne girondine de voir le jour : Bordeaux-La Teste, inaugurée le 6 juillet 1841.
A l’époque, La Teste est un port de pêche réputé, fréquenté par les bateaux espagnols qui viennent y amener des marchandises ; en outre, sa plage abritée y est fréquentée par les Bordelais.
La seconde ligne de chemin de fer en Gironde est construite entre Angoulême et Bordeaux et ouverte au service le 20 septembre 1852. La loi du 11 juin 1842 ayant décidé la construction d’une ligne allant de Paris à la frontière espagnole, par Orléans, Tours, Poitiers, Angoulême, Bordeaux et Bayonne. La ligne sera construite par tronçons, au gré des disponibilités en capitaux et matériel d’équipement. Aussi la loi du 22 juillet 1844 fixe-t-elle par souci d’économie la pointe terminus du rail sur la rive droite de la Garonne (gare de la Bastide) au grand dam des Bordelais toujours soucieux de préserver leur monopole des affaires…
La première liaison ferroviaire Bordeaux – Paris, a lieu, quant à elle, le dimanche 17 juillet 1853. [2]
Autour de cette ligne Angoulême – Bordeaux, différents embranchements sont alors construits :
– Coutras - Périgueux en 1857 ;
– Libourne - Castillon en 1869 ;
– Castillon - Sainte-Foy-la-Grande en 1873 ;
– Sainte-Foy-la-Grande - Bergerac en 1875.
Les lignes du sud de Bordeaux, concédées à la Compagnie du Midi, datent des années 1850 :
– Bordeaux - Dax, 1854 ;
– Bordeaux - Tonneins via Langon, 1855 ;
– La Teste - Arcachon, 1857.
En Gironde, comme dans le reste du pays, le formidable essor des chemins de fer est rendu possible par l’engagement des investisseurs privés, l’État s’impliquant initialement peu.
En quelques années, de grandes compagnies voient le jour : notamment la Compagnie des Chemins de Fer du Midi des frères PEREIRE en 1852, qui va créer puis exploiter les principales lignes du Sud-Ouest.
Assez rapidement les grandes compagnies ne suffisent plus : le chemin de fer révolutionne les modes de déplacement par sa régularité et sa ponctualité, indépendantes des conditions météorologiques, ainsi que par les conditions de confort qu’il offre… Ces avantages indéniables provoquent un véritable engouement qu’on a du mal à imaginer aujourd’hui : tout le monde veut "sa" ligne et chaque commune veut "sa" gare.
Devant l’ampleur du phénomène et soucieux de satisfaire un besoin nouveau dont chacun perçoit bien l’enjeu, l’État légifère dès 1865 (loi MIGNERET) en créant les "Voies Ferrées d’Intérêt Local" (VFIL). Par ce biais, il autorise les départements et les communes à exécuter, soit eux-mêmes, soit par voie de concessions, avec le concours et sous son contrôle, des voies ferrées.
Selon les archives municipales, les premières discussions relatives à la construction d’une voie ferrée partant de Blaye remontent au tout début des années 1860. L’intention est alors de se raccorder à la ligne principale reliant Nantes à Bordeaux [3] et les premiers désaccords apparaissent très vite sur le tracé général de ce raccordement. Celui-ci sera finalement arrêté par décret impérial n° 102 du 12 février 1868, qui précise par ailleurs de relier Jonzac à Coutras, par ou prés Montendre, en passant par la vallée de la Saye. Une convention du 18 juillet 1868 du Ministère des Travaux Publics concède à la Compagnie des Charentes la construction de la ligne Blaye - St Mariens, sous réserve que l’utilité publique soit reconnue.
Trois questions fondamentales sont aussitôt débattues :
1. Où la ligne venant de Blaye va-t-elle s’embrancher à celle de Nantes à Bordeaux ?
2. Quel va être le tracé pour pénétrer dans Blaye ?
3. Quelles vont être les stations intermédiaires ?
Les extraits des délibérations des Conseils Municipaux et des différentes commissions d’enquête montrent clairement les conflits d’intérêts locaux, mais aussi d’intérêts supérieurs : on n’hésite pas à remettre en cause le raccordement de St Mariens, les uns prônant directement Montendre, les autres Cavignac, chacun espérant voir "sa" commune desservie par la future ligne… A ces considérations locales s’ajoutent celle du Ministère de la Guerre qui souhaite relier la citadelle de Blaye au tracé en cours de discussion.
Après moultes réunions entre les autorités politiques locales, régionales, l’État (préfet et sous-préfet, ministère de la Guerre) et la Compagnie des Charentes, la décision est finalement prise le 29 janvier 1871 : ce sera St Mariens et le détail du tracé entre Cars et Blaye ne sera établi "qu’à la suite des conférences entre les services civils et militaires"…
Les travaux ne seront donc initialement entrepris que de St Mariens à Cars – St Paul pour laisser le temps aux Élus de Blaye de se mettre d’accord sur le tracé du tronçon final de la ligne… La manière de faire pénétrer le chemin de fer dans la ville est en effet l’objet d’un débat extrêmement vif entre les partisans des trois tracés successivement envisagés :
– un premier, proposé par la Compagnie, qui, venant par le Nord, traversait le port de Blaye, avec une gare entre le cours Bacalan et la Gironde ;
– un second, dit "rouge", toujours proposé par la Compagnie, qui, venant du Sud, par Gontier, laisserait complètement de côté le port, mais nécessiterait le creusement d’une tranchée dont le surcoût est évalué à 31 000 francs de plus que le précédent ;
– enfin un troisième, dit "bleu", arrivant à Blaye par le Nord de la ville, passant au pied des glacis de la citadelle et s’arrêtant sur la rive droite du chenal, la gare étant placée entre le chenal et la citadelle.
En vérité, cette troisième variante n’a vu le jour qu’un peu plus tard, lorsque la Compagnie qui participe aux discussions depuis le début, déplore de voir le débat s’éterniser et s’enliser…
Finalement, ce n’est que le 7 mars 1872 que la décision sera prise : ce sera le tracé "bleu" moyennant quelques aménagements [4].
En ce qui concerne l’implantation des gares le long du tracé Blaye - St Mariens, les débats ne sont pas non plus toujours très sereins, c’est le moins que l’on puisse dire. Si à St Savin les discussions ont rapidement abouti, elles sont plus vives à St Christoly et franchement violentes pour déterminer l’endroit qui devra desservir Cars et St Paul… Entre La Sauvetat (proposée par la Compagnie et refusé par le Conseil municipal de Blaye), Berthenon (Proposé par le même Conseil si on choisissait La Sauvetat), La Pistolette (proposition du Conseil municipal de Berson) c’est finalement La Sauvetat qui est choisie et il faut attendre 1904 pour avoir une gare à Berthenon… On verra même une halte aux Erits pour desservir St Girons.
Enfin, tout est en place pour l’inauguration de la ligne Blaye - St Mariens, le mercredi 15 octobre 1873, en présence de M. Desseilligny, ministre des Travaux Publics.
De tels délais peuvent paraître longs, mais en fait ils ne sont pas excessifs : chacun doit se souvenir des bouleversements politiques profonds que connaît le pays à cette époque [5] et l’on peut même être étonné qu’il y ait eut une continuité de l’action de l’État malgré des bouleversements aussi profonds…
A l’instabilité de la situation politique s’ajoutent les aléas de l’économie : en mai 1878, la Compagnie des Charentes est déclarée en faillite, rachetée par l’État elle est englobée dans le réseau national alors en constitution sous le nom de "Compagnie de l’Ouest.État".
Heureusement, la ligne vit sa propre existence : depuis son lancement, la liaison Blaye - St Mariens compte quatre trains journaliers (deux le matin, un l’après-midi et un le soir) qui permettent aux voyageurs venant de St Mariens de prendre le bateau vapeur se rendant à Bordeaux. Par ailleurs, le trafic se développant sans cesse, il apparaît nécessaire de construire une passerelle au-dessus des voies de Blaye pour que les piétons puissent traverser en toute sécurité, sans avoir à aller faire le tour par le Pont de Paris. Bien que le problème soit abordé dès 1883, il faudra attendre 1892 pour la voir construire… Cette passerelle de type "ferroviaire" fera partie du paysage blayais pendant plus de 70 ans et ne sera détruite qu’en 1963…
Quant à la gare de Blaye, son histoire est assez chaotique. Sur ordre de l’autorité militaire, sa construction était volontairement légère, pour pouvoir être détruite rapidement en cas d’attaque de la citadelle. Aussi, dès 1897, elle est en mauvais état et il faut la reconstruire. En 1901, une nouvelle gare, toute en briques, est édifiée au même endroit. Le problème se posera à nouveau en 1927, puis en 1929, avec une implantation envisagée entre la fontaine et la passerelle, mais le coût devant être supporté par la ville et répercutés sur l’ensemble des usagers, l’affaire n’aboutit pas. Finalement la gare restera à son emplacement initial, l’aile Nord sera démolie quelques années avant la guerre de 39/45 et l’aile Sud quelques années après. Seule la partie centrale subsistera jusqu’en 1985, année de sa destruction. La SNCF disposera alors d’un nouveau bâtiment situé sur les voies du port ouvertes au trafic marchandises, mais délivrant également des titres de transport aux voyageurs.
S’agissant des durées de parcours, elles sont variables en fonction du sens, étant donné la longue rampe vers Cars - St Paul. En 1928, il fallait 45 minutes pour aller de St Mariens à Blaye et une heure pour le trajet inverse.
Les années passant, la concurrence automobile se fait de plus en plus sentir… En 1937, les autorails remplacent les trains à vapeur ce qui n’empêchent pas le trafic voyageurs d’être largement déficitaire et finalement supprimé par décision ministérielle du 5 décembre 1938, une desserte routière étant alors mise en place entre les deux localités. Par suite de la réquisition des autobus au début de la guerre, des trains de voyageurs circuleront à nouveau en septembre et octobre 1939, mais hormis ce bref épisode, la voie n’est plus qu’utilisée par les trains de marchandise.
A la fin des années 50, les diesels viennent remplacer les locomotives vapeurs.
En 1973, le centenaire de la ligne Blaye /St Mariens est l’occasion d’une énorme fête populaire, marquée par la circulation d’un train spécialement constitué pour marquer l’évènement : il est composé de sept voitures "grand-confort" de la SNCF, d’une voiture cinéma et en queue de deux voitures "EST" à deux essieux (ancienne 3ème classe), le tout tiré par une superbe locomotive diesel 67000.
Fortement concurrencée par la route, le transport des denrées par la ligne Blaye-St Mariens périclite inexorablement, notamment après le terrible accident des silos de la SEMABLA en 1997 qui marque le glas du transport de marchandise sur la ligne.
Les trains se raréfient entrainant de facto un coût d’exploitation prohibitif.
Finalement et malgré les actions des Élus et des comités de soutien, la ligne Blaye - St Mariens est fermée en 2004.
Aujourd’hui bien qu’elle existe toujours, elle est inexorablement envahie par la végétation et nonobstant les déclarations des uns et des autres, aucune réouverture ne se profile à un horizon visible.
Alors que la ligne Blaye - St Mariens, première voie ferrée du Blayais fonctionne depuis plusieurs années, une idée germe assez rapidement dans les esprits, celle de réaliser une jonction directe entre Bordeaux et Blaye, sans être obligé de "faire un crochet" par St Mariens.
Le 25 octobre 1876, une convention est passée entre le préfet de la Gironde et les Sieurs Bouquic et Courtines, pour la construction et l’exploitation d’un chemin de fer d’intérêt local dit "du Blayais". La ligne devait partir de la station d’Ambarès, sur celle reliant Bordeaux à Orléans, et aboutir à St-Ciers-Lalande en passant par Cubzac, St André, Bourg et Blaye. Il était par ailleurs stipulé que le train devait traverser la Dordogne à bord d’un bac vapeur à établir en amont de Cubzac, sans rupture de charge, à la manière de ce qui se faisait alors pour traverser le Rhin à Rheinhausen [6].
Hélas, les concessionnaires connaissent d’importantes difficultés financières et après de multiples rebondissements, renoncent à leurs droits en 1880. Un an plus tard, le 28 mai 1881, une nouvelle convention est passée entre le préfet de la Gironde et la Société des Chemins de Fer Économiques, fondée par messieurs Faugère et Bernard. Le projet est alors sensiblement modifié et simplifié : les autorités abandonnent l’idée de la traversée de la Dordogne en bac vapeur et prescrivent un raccordement au réseau d’État en cours de constitution depuis 1878, sur la future ligne Cavignac - Bordeaux "à ou à proximité" de St André de Cubzac.
Un décret du 16 août 1884 approuve le cahier des charges définitifs ainsi que les détails d’exécution et la liste des stations ou haltes : St André (commune avec l’État), St Gervais, Prignac et Marcamp, Bourg, Comps, Villeneuve, Plassac, Blaye (commune avec l’État), St Seurin, Le Pontet, Étauliers, Pied Sec et St Ciers Lalande. A quelques détails près, c’est cette ligne qui sera réellement inaugurée le 10 décembre 1889 [7].
La principale caractéristique de ce tracé réside dans la succession de déclivités pour franchir le paysage mamelonné de la rive droite de la Gironde : rampe de 17 pour 1000 sur 1861 m pour monter à Comps - Gauriac, pente de 17.5 pour 1000 sur 2948 m pour descendre vers la Gironde de Villeneuve, nouvelle rampe de 15 pour 1000 à hauteur de Plassac pour atteindre Blaye et ainsi de suite jusqu’à St Ciers (dépôt-atelier de la ligne). Par ailleurs, l’existence d’un réseau hydrographique dense va nécessiter la construction de plusieurs ouvrages d’art, notamment des ponts métalliques, aujourd’hui démontés, pour franchir le Moron ou la Livenne, mais d’autres en maçonnerie existent encore.
En ce qui concerne le matériel de traction, deux périodes sont à considérer : celle de la vapeur puis celle du diesel. L’utilisation de la vapeur débute avec la mise en service de la ligne et se termine en 1953. Ce sont des locomotives construites la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques (SACM) de la série 3001 – 3016 à l’ouverture de la ligne, puis 3017 – 3019, ensuite 3020 – 3023 et enfin 3026, la plus puissante, qui sera retirée du service en 1947. Le premier tracteur diesel fait son apparition en 1948. Bien que des essais aient été effectués au cours des années 30, les autorails commencent véritablement leur carrière sur la ligne du Blayais qu’à partir du début des années 50, elle se poursuivra jusqu’à sa fermeture. S’agissant des voitures et des wagons, tout le matériel portait une plaque "ligne du Blayais", il était à deux essieux et l’empattement était inférieur à 6 mètres. L’ensemble des voitures était à portières latérales et comme il n’y avait pas de couloir, le contrôleur opérait depuis le marchepied. Ce matériel était complété par une draisine et une grue roulante stationnées à Bourg.
A l’ouverture complète de la ligne et pour concurrencer le bateau vapeur, ce sont 3 trains uniquement réservés aux voyageurs qui circulent. Il faut alors un peu plus de 3h30 pour faire le trajet St Ciers – St André (une heure pour rejoindre Blaye et 2h30 entre Blaye et St André) et environ 3 heures dans l’autre sens. Deux trains de marchandises circulent par semaine.
A partir de 1900, les voitures du Blayais atteignent directement Bordeaux. Dès 1901, le train de marchandise devient presque quotidien. Le 31 août 1902, le réseau des Charentes arrive jusqu’à St Ciers en venant de Pons, toutefois il s’avère peu utilisé [8]. Un projet de poursuite de la ligne du Blayais jusqu’à Royan n’aboutira par ailleurs jamais [9].
Pendant la Grande Guerre, la pénurie de charbon limite le service à un train journalier, ensuite, les trois allers et retours sont à nouveau établis. En 1923, le téléphone est substitué au télégraphe. En 1928, l’installation d’un frein continu, du chauffage à la vapeur, du signal d’alarme et de l’éclairage électrique des voitures est entrepris ; en outre, l’éclairage électrique est installé dans les gares.
A partir de 1930, la concurrence routière commence à se faire sentir, le nombre de voyageurs décroit (199 981 contre 325 137 dix ans plus tôt…). En 1936, il n’existe plus que deux allers et retours journaliers. En 1939, l’apparition des premiers autorails met Bordeaux à 1h55 de St Ciers, mais la période troublée de la seconde guerre mondiale perturbe gravement le trafic et les trains de voyageurs sont remis en service durant toute l’occupation.
Dès le début des années 50 l’accroissement du nombre des voitures particulières et le développement continu des transports routiers viennent concurrencer directement et fortement le trafic ferroviaire en général et celui du Blayais en particulier. La baisse inexorable du tonnage des marchandises transportées entre Blaye et St André entraîne la fermeture de cette section dès le 6 janvier 1954 et la dépose de la ligne dès l’année suivante.
Seule la desserte Blaye- St Ciers est maintenue à raison de trois allers et retours par semaine avec un personnel très réduit.
A partir de 1965, la ligne est desservie en antenne de la ligne Blaye-St Mariens, par la CFTA (Chemins de fer et Transport Automobile) qui officie sur certains réseaux secondaires en sous-traitant de la SNCF. Le trafic se réduisant encore, le Conseil Général décide sa fermeture définitive, cette mesure prenant effet le 31 décembre 1970.
Aujourd’hui la voie ferrée entre Étauliers et St Ciers a totalement disparu, tandis qu’entre Blaye et Étauliers elle a été transformée en piste cyclable. Cette infrastructure de loisir, de loin la plus réputée et la plus appréciée du Blayais, a été construite entre août 2000 et août 2001, date de son ouverture au public. Longue de 12,4 km, elle a été réalisée sous l’égide du Conseil Général de la Gironde pour un coût de 1,088 million d’euros.
En 2013, cette piste cyclable a été rallongée d’un tronçon d’environ 1 km, ce qui lui permet de parvenir, enfin, au centre de Blaye. Ainsi est-il possible de quitter la ville en vélo ou à pied, en direction d’Étauliers, sans avoir à emprunter une route ouverte à la circulation automobile. [10]
[1] les principaux sites consultés sont les suivants : http://www.trains-fr.org/facs/lignes.htm ; http://voiesferreesdegironde.e-monsite.com/ ; http://www.lignes-oubliees.com/index.php ; http://roland.arzul.pagesperso-orange.fr/etat/plages/stmariens_blaye.htm ; http://www.antiqbrocdelatour.com/les-anciens-trains-de-legende/1-locomotives-legendaires.php ; http://www.train.eryx.net/.
[2] départ à 7h15 de Paris gare d’Orléans et arrivée à Bordeaux Bastide à 20h25, soit 13h10 de trajet contre 48 heures en diligence auparavant…
[3] On observera que la volonté des Élus, comme celle des pouvoirs publics d’ailleurs, était de désenclaver Blaye vers le Nord et L’Est, plutôt que vers le Sud étant donné que le service fluvial par la Gironde donnait pleinement satisfaction à l’époque.
[4] les autorités militaires exigent que l’espace compris entre la citadelle et la ville ne comporte aucun obstacle susceptible de favoriser un assaillant éventuel et préconisent d’installer la gare en cul-de-sac au bassin des Pères ; par ailleurs, le Conseil municipal obtient de la Compagnie la construction d’un pont au-dessus de la route de Paris, clause essentielle qui permettait de faire en sorte que la ville ne soit pas coupée en deux par le trafic ferroviaire.
[5] guerre de 1870, chute du second empire, guerre civile à Paris, mise en place laborieuse de la troisième République, etc.
[6] Pour le franchissement du Rhin à Rheinhausen sur la ligne de chemin de fer d’Osterath à Essen, le train était directement embarqué sur un bac à vapeur ainsi, les voyageurs, comme les marchandises, ne subissaient aucun transbordement.
[7] le tronçon Blaye-St Ciers avait été inauguré un peu plus tôt, le 15 mai 1888.
[8] Il s’agit d’une ligne de 45 km, à voie métrique, qui reliait Pons à St Ciers, via Pas d’Ozelle. Elle sera fermée en 1934.
[9] Ce projet n’aboutira jamais pour deux raisons essentielles : d’une part, il était possible d’aller en train jusqu’à Royan via la ligne Nantes - Bordeaux ; d’autre part, le trafic des voyageurs vers Royan était déjà essentiellement saisonnier.
[10] Cette extension d’un coût avoisinant les 125 000 euros a été financée à 60 % par la Communauté de communes du canton de Blaye (CCB), le reste étant pris en charge par la Région (25 %) et le Département (15 %).