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L’armée française de l’Ancien Régime au XVIIe et au XVIIIe siècle

Conférence de Monsieur Jean Pierre Bois,

 Professeur d’Histoire à l’Université de Nantes,
 Directeur du Centre de Recherche sur l’Histoire du Monde Atlantique,
 Auteur, entre autres des ouvrages « Maurice de Saxe » (Fayard, 1992) et « Bugeaud » (Fayard, 1997)

Conférence présentée au château de la Faye, à Villexavier (Charente Maritime), où nous avons été accueillis par Madame et Monsieur Pierre-Jean Mathieu, les actuels propriétaires, qui ont eu la courtoisie de recevoir la SAVB. Cette propriété a appartenu au XVIII° siècle à la famille de Saint-Simon Montbléru, officier à la citadelle de Blaye.

Jean-Pierre BOIS

Préambule.

D’abord il faut noter l’importance de l’armée et de la guerre à cette époque dans la société et dans la vie du Royaume.

Le premier signe mesurable est le budget de l’armée, qui par exemple à la fin du règne de Louis XIV, représente en temps de paix de 40 à 50% du budget total, en engloutit plus de 75% en temps de guerre.

La présence de la guerre est physique. La guerre est la situation "normale", au point que durant les 54 ans de règne de Louis XIV, soit à partir de 1661 qui marque la fin de la Régence, il y aura 29 ans de guerres effectives.

Louis XIV, chef de guerre.

Les quatre conseillers de Louis XIV, "ses Ministres" sont :

 Le Secrétaire d’État à la Guerre,

 Le Secrétaire d’État aux Affaires Étrangères (donc la guerre et la diplomatie),

 Le Secrétaire d’État à la Marine,

 Le Secrétaire d’État à la Maison du Roi.

Les prérogatives des trois premiers conseillers sont donc directement liées à la guerre, le quatrième étant en charge du reste.

Les Rois de France sont tous des "chefs de guerre" et jusqu’à Henri IV, c’est le Roi qui charge en tête de son armée !

Louis XIV n’assiste plus qu’à la prise des villes clefs. Pour les quarante Rois de France de l’Ancien Régime, seul Louis XVI n’a pas pris les armes.

Le cadre historique de départ de la période étudié va de la fin du ministère de Richelieu en 1642 à la mort de Mazarin en 1661.

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Le recrutement.

Au début du XVII° siècle, la taille de l’armée est très réduite et son budget en temps de paix en est ridicule. Il n’y a seulement que quelques régiments permanents, soit environ 10 000 hommes. Ils sont complétés au besoin par des mercenaires, qui se révèlent plutôt de mauvais soldats, car ils ont généralement intérêt à faire durer les guerres, et ils se livrent régulièrement au pillage.

En 1629 Richelieu fait rédiger une première ordonnance, qui régit le recrutement des soldats, mais elle ne sera pas appliquée.

En 1636 lors de la guerre contre L’Empire et l’Espagne, RICHELIEU crée un Ministère de la Guerre, qui devient l’unique interlocuteur dans ce domaine pour toute la France. Car auparavant les compétences étaient territorialement dispersées dans tout le royaume. De plus, il donne ce ministère à un civil. Les armées privées sont alors interdites, il n’y aura plus qu’une seule armée, celle du Roi de France.

Michel Le Tellier, marquis de Barbezieux
Il est le véritable fondateur de l’armée de Louis XIV.

En 1643, Mazarin nomme Michel Le Tellier au poste de Secrétaire d’Etat à la Guerre. C’est le père de François-Michel Le Tellier, le futur Marquis de Louvois, dit Louvois, qui lui succède à ce poste en 1677. Dés lors les premières tâches de Michel Le Tellier sont :

 premièrement, de créer une armée permanente entretenue en temps de paix aux frais du roi ;

 deuxièmement, cette armée devra avoir un effectif suffisant pour ne pas avoir recourt aux mercenaires, soit un effectif d’environ 55000 hommes volontaires, pour un pays d’environ 22 millions d’habitants.

Afin d’effectuer le recrutement des soldats, les officiers se font représenter par des subalternes, les Sergents recruteurs, qui effectuent directement les recrutements. Les engagements sont alors de 3 ans ou 6 ans, puis par la suite ils passent à 4 ans et 8 ans. Mais dans les années 1680, le maximum des effectifs de volontaires est atteint. Louvois décide alors la création des Milices Provinciales. Chaque paroisse doit désigner un homme, suivant le principe "d’un homme pour 2000 Livres d’impôts". Mais les paroisses en profitent pour se débarrasser des "idiots", des "retardés", etc. Pour remédier à cela, il est organisé le tirage au sort des membres de la Milice, d’où l’expression "Tirer le bon Numéro" ! Ce qui alors engendre trafics et échanges. La Milice Provinciale sera donc composée essentiellement de paysans et finalement l’habitude du service dans la Milice sera prise pour une durée de 6 ans.

L’effectif de l’Armée du Roi de France est composée pour un quart d’étrangers, tels les gardes Suisses, les régiments Allemands ou Irlandais, (une liste détaillée des régiments étrangers d’infanterie est fournie dans cet article consacré, en partie, à l’infanterie de l’ancien régime http://www.vieuxblaye.fr/spip.php?article94), etc. Tous les étrangers peuvent accéder aux plus hauts grades, comme le Maréchal Maurice de Saxe. Mais attention les étrangers recrutent aussi des Français en France. Il faut se rappeler que le sentiment nationaliste, ne se répandra en Europe qu’au XIX° siècle.

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L’organisation militaire.

François-Michel Le Tellier, marquis de Louvois
Secrétaire d’État à la guerre, il est le grand organisateur de l’armée du roi soleil.

Louvois crée l’organisation générale en Bureaux, tels que :

 le Premier Bureau, pour l’administration,

 Le Deuxième Bureau, pour le renseignement et l’espionnage, c’est cette désignation qui perdure encore aujourd’hui.

Malgré cette dernière création, l’espionnage reste de la responsabilité du général commandant l’armée : c’est à lui et à lui seul de trouver les espions qui vont le renseigner sur les intentions de l’ennemi, il n’existe aucun service spécialisé.

C’est une armée réglée et donc les soldats touchent régulièrement une solde (d’où le terme de "soldat"). Il y a peu de désertions et de pillages. Elle obéit à des règles précises, mais elle est soumise à un règlement et à une discipline.

Pour maintenir la discipline, il crée le registre et le contrôle.

Le registre dans lequel est consigné le signalement de chaque homme :

 Nom,
 Taille,
 Poids,
 La circonférence ! et a priori les recrues sont larges !
 L’âge, qui bizarrement est bien trop souvent 25 ans ou 50 ans (des chiffres ronds) et non pas, par exemple, 24 ou 51 ans !

D’autres traits de signalement figurent sur ce document : nez moyen, front moyen,... certains parfois cocasses "yeux roux".

Dès lors qu’il y a versement d’une solde, il convient de vérifier si le service est effectif, on procède donc au contrôle en effectuant un appel quotidien.

S’agissant de la discipline, les motifs les plus courants de punition sont dans l’ordre : d’abord l’ivrognerie, puis le fait de courir la "gueuse" et après les questions de religion. Bien qu’à partir de 1685, il faille être catholique, on ferme facilement les yeux pour les étrangers, sauf pour les blasphémateurs.

En complément de la formation des régiments de cadets, l’Ecole Militaire est fondée en 1651. Son enseignement destiné aux futurs officiers inclut les mathématiques et la géométrie, l’histoire avec particulièrement l’étude des guerres de Jules César, le relevé topographique, la géographie ; Mais l’étude des langues étrangères y est oubliée.

Louvois crée le tableau d’avancement dans l’armée en 1675, ainsi que l’ordre du tableau.

Au grade de Capitaine, est attribué le commandement d’une Compagnie.

Au grade de Colonel, est attribué le commandement d’un Régiment.

Les officiers doivent acheter un office vénal. Pour ceux qui disposent d’une certaine fortune ils paient "le brevet" et deviennent Capitaines, sinon ils sont nommés au grade de Lieutenant. Un officier sans fortune, sans naissance, sera donc suivant la formule un "officier de fortune"

On constate, que l’armée de Louis XIV est la meilleure armée d’Europe, il en sera de même pour celle de Louis XVI, bien qu’elle ne soit pas directement commandée par celui-ci.

Mais il persiste deux problèmes, qui ne sont pas résolus :

 Les casernements manquent, ce qui oblige donc souvent les soldats à loger chez l’habitant.

 Le service de santé n’est pas organisé, on meurt peu durant les batailles, mais on meurt par la suite de gangrènes, de fièvres de tous ordres, et d’épidémies comme le typhus.

L’art de la guerre.

Passage des Vosges par Turenne.
A la tête d’une faible partie de l’armée royale, Turenne transgresse les règles de la guerre en passant à l’attaque à la fin du mois de décembre 1674. Cette action, hors norme, lui permettra de surprendre les Austro-Brandebourgeois et de les vaincre le 5 janvier 1675 lors de la bataille de Turckheim.

A la fin de la période étudiée, il n’y a plus en gros qu’une grande bataille par an !

L’arme individuelle est le fusil ou le mousquet, qui remplace la pique, et cela depuis la Bataille de Marignan. Par la suite, Vauban impose en plus la baïonnette à douille.

Un principe :

"Le feu arrête la charge ennemie"

Au XVII° siècle on utilise encore la formation au carré, comme à Marignan.

Par la suite au XVIII° siècle, on utilise la formation en ligne sur 4 rangées d’hommes, doublée par une seconde ligne, à tel point qu’à la bataille de Malplaquet, il y a 6 km de front. Ce qui entraîne un temps assez long entre la formulation d’un ordre, sa réception et sa confirmation. Cela induit des blocages tactiques et stratégiques, qui feront époque l’objet d’une réflexion dès cette époque.

Turenne
De son vrai nom, Henri de la Tour d’Auvergne, vicomte de Turenne, maréchal de France en 1592. Il fut le plus grand capitaine de Louis XIV.

Dans le cas de la Bataille de Fontenoy, le 11 mai 1745, où s’opposent les armées anglaise et française, à 12h15, les deux armées se font face à 30 m l’une de l’autre, d’où le fameux échange de politesses qui est en réalité une ruse tactique. Le rechargement du fusil est très long, car il se fait en 12 mouvements ! Il ne faut donc surtout pas être le premier à tirer. Bien que le tir se fasse au jugé et non pas visé à l’épaule, statistiquement sur 100 balles tirées‚ 4 seulement touchent réellement l’adversaire !

Le fameux bon mot "Messieurs les Anglais tirez les premiers" est en réalité une création a posteriori de Voltaire.

L’armée française aura face à elle toutes les armées européennes, sauf celle de l’électeur de Bavière.

 L’armée anglaise, la plus disciplinée au combat et sans improvisation.

 L’armée autrichienne, la plus nombreuse, mais aussi la plus fragile, car il y a plusieurs nationalités et langues : Hongrois, Tchèques, Italiens, Allemands de l’Empire, etc. Il n’y a donc pas d’unité de commandement au travers du problème des langues.

 L’armée prussienne, qui n’est pas la plus forte au début de la période à cause de sa faiblesse numérique, est la plus disciplinée, la plus entraînée, celle dont la sûreté d’exécution d’un ordre est la mieux garantie, celle qui a une plus grande capacité tactique avec à sa tête un fin stratège, le Roi FREDERIC II.

 L’armée suédoise, qui a des qualités physiques et une discipline quasi "religieuse", mais qui parfois aura le comportement le plus "barbare"

Louis II de Bourbon-Condé, dit "le Grand Condé".
Il fut l’autre grand capitaine de Louis XIV.

Epilogue.

Louvois tombe en disgrâce en 1689 et il meurt en 1691.

En 1781, Necker constate que la France est couverte de dettes, car la guerre aux Amériques coûte extrêmement cher. Il est à noter que la victoire de Yorktown de 1781 est l’œuvre principalement des troupes françaises.

Afin de renflouer les caisses de l’état, en 1784, Necker a l’idée de créer l’Impôt National qui doit être acquitté par tous, mais il est refusé par la Noblesse et le Clergé.

Avec la Révolution Française, va s’opérer un changement de nature de la guerre. Elle deviendra idéologique, avec la naissance de la théorie du "soldat citoyen".

Uniformes de la Maison du Roi.





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