Le 4 septembre 2022 s’est déroulée la traditionnelle sortie estivale bisannuelle des membres de la Société des Amis du Vieux Blaye.
Cette année elle présentait un caractère exceptionnel pour deux raisons : d’une part, elle était placée sous le parrainage de Monsieur Jérôme CAZAUVIEILH, petit-fils de notre fondateur Paul RABOUTET (1902-1968) ; d’autre part, elle était très attendue car la dernière remontait à 2018, celle de 2020 n’ayant pu avoir lieu pour des raisons bien connues (COVID).
Respectant par habitude la règle des Trois Unités chère au XVIIe siècle, cette activité s’inscrivait selon les mots mêmes de notre Président, "sur les pas des trois Ordres de l’Ancien Régime avec, parfois, des percées dans notre époque. Unité de lieu, donc, le Blayais dans son ensemble. Unité de temps, ensuite, le passé exceptionnel de notre région. Unité d’action, enfin, celle d’aborder l’important patrimoine parsemant chaque commune, chaque paroisse aurait-on dit aux temps anciens."
Au travers d’un reportage privilégiant les illustrations sur le texte, nous vous proposons de revivre cette journée qui fut, de l’avis général, une totale réussite.
C’est à 9h30 que les participants se sont rassemblés à l’enseigne de "Lily à la vanille", pour prendre un café-croissant permettant de démarrer sereinement la journée.
Après avoir souhaité la bienvenue à tous les participants, le Président des Amis du Vieux Blaye, a rappelé l’œuvre entreprise par notre fondateur et présenté son petit-fils, qui a bien voulu accepter de parrainer cette édition 2022 de notre sortie estivale.
Dans la foulée, le général (2S) Daniel THOMAS mettait à profit le bel aménagement de cette partie des casernements de la citadelle par Inge, la propriétaire de "Lily à la vanille", pour rappeler la nature du problème posé par le logement des soldats [1] (on disait alors "les gens de guerre") à la fin du XVIIe siècle et la manière dont il avait été résolu par VAUBAN. Par la création d’un ensemble de bâtiments dédiés à la vie des soldats, c’est-à-dire une caserne, au sein des infrastructures construites sous son égide, Sébastien Le PRESTRE innovait véritablement en dissociant le lieu de vie des soldats de celui du reste de la population. Il mettait ainsi fin à une cohabitation qui durait depuis 1439. A Blaye, les logements des soldats, appelés "les casernements", ont traversé les vicissitudes du temps pour parvenir jusqu’à nous dans un état assez proche de leur aspect initial. Grâce aux efforts entrepris par certains particuliers avec l’aide de la municipalité, les casernements reprennent vie aujourd’hui, tout en gardant leur aspect extérieur originel.
A l’issue de ce bref exposé, les participants se rendaient à pied à l’atelier de sculpture de Jacques SOULARD, situé rue de l’Hôpital. Chef d’entreprise bien connu dans le Blayais [2], il ne s’est adonnée à la sculpture que sur le tard, après avoir mûrement réfléchi sur la meilleure manière d’exprimer ce qu’il ressentait. Il est aujourd’hui un artiste renommé qui expose dans une grande galerie parisienne, mais aussi dans différents salons d’art de province.
Au risque de froisser sa timidité naturelle, je cite ce que dit à son propos Cynthia BRÉSOLIN, docteur en Arts et théories des Arts : "Il court, il court cet Ulysse contemporain à l’orbite noire et profonde. Le visage grave de l’expérience se marie à la maturité avec une puissance inédite. Jacques SOULARD travaille un expressionnisme brut teinté d’abstraction, l’impression d’inachevé faisant le lien entre l’organique et l’imaginaire".
Tous ceux qui font leur marché à Blaye, chaque samedi et mercredi matin, n’ont pas manqué d’admirer la sculpture offerte par Jacques SOULARD à la ville, ainsi que les noms de donateurs ayant souscrit au profit d’associations caritatives.
Poursuivant leur périple à pied à travers Blaye, les participants ont fait une halte aux jardins partagés du Saugeron, ce modeste ruisseau qui traverse notre ville avant de rejoindre l’estuaire au pied de la porte Dauphine. Créé en 2010 sur un terrain de 3000 m2 appartenant à l’hôpital, les jardins partagés reprennent en fait ce qui fut le terrain cultivé pendant des siècles par les Sœurs de St Vincent de Paul pour nourrir les malades sans ressource de l’hôpital St Nicolas, hôpital civil et militaire fondé par les RUDEL, seigneur de Blaye, en 1257.
L’heure du repas approchant à grand pas, le moment était venu de rejoindre, toujours à pied, le dernier lieu de visite de la matinée : le Clos Réaud de la Citadelle, sis avenue des Maçons. C’est dans une belle maison de notables du XVIIIe siècle, magnifiquement restaurée et meublée par les actuels propriétaires, Madame et Monsieur SILVA, que nous sommes très aimablement accueillis.
Arrivés en 2015, ils ont eu à cœur de faire revivre cette demeure laissée pendant de longues années à l’abandon pour en faire des chambres d’hôtes de grande qualité www.closreaud-citadelle.com très prisée de ses nombreux clients nationaux, mais également étrangers.
Après avoir savouré un apéritif offert par la S.A.V.B. dans les jardins de la propriété, chacun récupérait son véhicule pour rejoindre le restaurant sélectionné par les organisateurs pour le déjeuner, le clos de la Marina.
Situé à la sortie de la ville en direction de Plassac, ce restaurant privé, a exceptionnellement accepté de recevoir les Amis du vieux Blaye.
Une fois le repas pris, chacun reprenait son véhicule pour se rendre à ST Seurin de Cursac où grâce à Madame BOSHER et à Philippe MARCHEGAY, notre guide, nous avons pu visiter l’église qui présente la particularité d’avoir été construite aux XIIe, XIIIe, XVIe et XVIIe siècles pour être achevée en 1882. A la fin du XIIIe, elle orientée différemment : le portail est à l’Ouest, le chevet à l’Est et au Sud de la façade figure le clocher, prolongé d’un contrefort en alignement. Ce plan est conservé jusqu’à la Renaissance, époque à laquelle est bâti un collatéral de style gothique au Sud de la nef.
Entre le XVIe et le XVIIe siècle, l’église est agrandie d’une sacristie à l’Est et d’un porche à l’Ouest, devant l’entrée. En 1882, une importante souscription est lancée pour financer des travaux considérables. Le collatéral, le mur de la nef, le porche, la sacristie et le chevet plat sont démolis. Deux collatéraux sont alors adjoints à la nef et l’ensemble est voûté en plâtre et briquettes. L’église est réorientée, le chœur passe à l’Ouest et la nouvelle sacristie au Nord-Ouest.
Cet édifice présente la particularité de posséder un vieux clocher pentagonal. Dédiée à St Jean Baptiste l’église compte à l’intérieur plusieurs particularités remarquables : une toile peinte à la détrempe datant de la moitié du XVIIe siècle, représentant la décollation de Jean-Baptiste ; un autel en bois peint et dorure datant du XVIIIe siècle ; une chaire en fer forgé, œuvre exceptionnelle du serrurier de la commune ; enfin, un chapiteau datant de l’époque mérovingienne transformé en fonts baptismaux.
Il était aux environs de 17h00 lorsque la caravane des participants se garait dans le parc de château Gigault à Mazion, propriété de Christophe et Daphné REBOUL-SALZE depuis 1998. Construite au XVIIe et remaniée au XIXe siècle, cette imposante bâtisse superbement implantée sur un mouvement de terrain dominant les vignes, a appartenu à différents notables et viticulteurs de talents avant d’être acquise par les actuels propriétaires, d’origine auvergnate et américaine. Christophe, originaire de la Basse-Auvergne, appelée également "bas pays d’Auvergne" sous l’ancien régime, est un expert reconnu en vin de France, ancien fondateur de l’une des grandes maison de négoce bordelaise, "The Wine Merchant", il exporte ses vins essentiellement à l’étranger https://www.vignobles-reboul-salze.fr/accueil/chateau-gigault/. Quant à son épouse, Daphné, elle est une artiste de grande renommée dans le domaine de la céramique d’art https://www.daphneverley.com/.
Jean FERCHAUD, ancien Président de notre association, nous attendait ensuite devant l’église de Mazion pour nous faire découvrir ce superbe monument construit en 1860 sur les bases de l’ancienne église datant du XIIe siècle dédiée à saint Martial dont une statue du XIVe siècle, en pierre polychrome, le représentant se trouve dans la chapelle des fonts baptismaux. L’ancienne église dépendait d’abord des chanoines de Saint-Romain puis des seigneurs de Saint-Aulaye, ils en firent leur chapelle et y furent inhumés. La nouvelle, appelée "Notre-Dame-de-Mazion" fut inaugurée en 1862 par le Cardinal DONNET de Bordeaux. Elle se caractérise par le style roman que les architectes et artistes ont souhaité recréer à l’extérieur comme à l’intérieur, en suivant l’exemple des constructions de cette époque : on peut y découvrir quelque 35 chapiteaux différents, des autels de pierre et de marbre, une chaire monumentale, des vitraux créés et réalisés selon les techniques médiévales, des statues, des candélabres et un chemin de croix également conçus à l’identique. Les nombreux travaux de restauration extérieure et intérieure entrepris depuis le début de notre siècle grâce aux dons d’un généreux mécène sont aujourd’hui achevés, ils ont permis de donner à l’édifice un aspect qui force l’étonnement et l’admiration.
Il était alors temps de rejoindre l’ultime lieu de visite de la journée : le château des Mauvillains, devenu aujourd’hui "La Sauvageonne" (https://manoirdelasauvageonne.com).
La première construction d’une maison de maître, aux Mauvilains, date des environs de 1630 et elle est l’œuvre d’un certain André Vincent David, chirurgien, mort en 1686. Son fils, Pierre Yves David, sieur des Mauvilains, né en 1673, est juge, sénéchal, mais aussi subdélégué de l’intendant de Guyenne.
Une descendante de Pierre Yves David épouse Pierre d’Arliguie, né à Bordeaux le 5 juillet 1777. Parti en émigration en octobre 1791, il commence une carrière militaire comme simple soldat au service du duc de Bourbon le 28 octobre 1792. Participant à tous les combats menés par les troupes émigrées contre les armées révolutionnaires, il va gravir les échelons un à un pour parvenir au grade de chef de Bataillon en 1815. La liste de ses blessures est impressionnante [3], fait chevalier des ordres royaux de Saint-Louis en 1814 il sera nommé chevalier de la Légion d’Honneur en 1821. Anobli par le roi Louis XVIII en 1824, il sera désigné Lieutenant de Roy de la place de Blaye où il forcera l’admiration en invitant moultes fois à sa table de commandant d’armes ses anciens adversaires, soldats de Napoléon devenus demi-solde après la Restauration. Il sera maire de Saint Palais de 1831 jusqu’à sa mort le 5 février 1849.
Son fils Louis Antoine Léopold d’Arliguie sera également maire de Saint-Palais de 1849 à 1852, puis à nouveau 1852 à 1856 et enfin de 1871 à 1892. Il sera simultanément juge de paix du canton de Saint-Ciers-La-Lande et conseiller d’arrondissement de la Gironde.
C’est donc dans l’ancienne demeure du chevalier d’Arliguie, merveilleusement restaurée et entretenue par Monique et Michel CANDONI, que la sortie estivale 2022 a pris fin, autour du verre de l’amitié et en dégustant un superbe buffet d’amuse-gueules agrémenté de deux tartes (chocolat et pommes) dont la maîtresse de maison a le secret.
[1] Les habitants devaient « L’Ustensile » au soldat, ils devaient donc fournir "le lit, le pot, la place au feu et à la chandelle".
[2] Jacques SOULARD a fondé et dirige une entreprise de maçonnerie du patrimoine réalisant de superbes restauration de façades, mais également des cheminées, des escaliers, des parements de façades et tout ce qui se rattache à la de taille de la pierre.
[3] Blessé d’un coup de feu à la jambe gauche le 25 octobre 1793 ; de trois coups de feu qui vont provoquer la perte de l’œil droit le 26 avril 1794 ; de deux coups de sabre le 15 juillet 1796 ; d’un coup de feu à la tête le 13 août 1796 ; d’un coup de sabre au genou droit le 7 septembre 1796 ; d’un coup de pistolet et de deux coups de sabre à l’épaule droite le 14 octobre de la même année…